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En fin d’année 2023, j’ai enchainé les saisons d’une série comédie qui m’a stupéfait : The Good Place. En quatre saisons bien écrites, la série propose de repenser le « bon endroit », alias le Paradis pour les religions, en un réel lieu où rationalité et philosophie sont lois. Drôle, intrigante, pleine de rebondissements et de personnages attachants, la série sait amener le spectateur innocemment vers une réflexion sur les codes du « bon endroit » et notamment son accession.



The Good Place


De : Michael Schur (Brooklyn-Nine Nine)

Avec : Kristen BellTed DansonJameela Jamil

Genres : Aventure, Comédie

Nationalité : Américaine

Saison : 4 saisons

Sortie : 2016-2020

Résumé : Après avoir été percutée et tuée par un semi-remorque, Eleanor se réveille dans ce qui semble être la vie après la mort. Lorsque Michael, l’Architecte des lieux, lui apprend qu’elle est au « Bon endroit » compte tenu ses bonnes actions, elle réalise qu’elle a été confondue avec quelqu’un d’autre. L’arrivée d’Eleanor pourrait bien mettre en péril l’équilibre de ce monde où personne ne jure ou ne boit de l’alcool à outrance. La jeune femme va devoir travailler sur elle-même afin de devenir une meilleure personne si elle souhaite conserver sa place dans l’au-delà. Bien entendu, elle sera épaulée par de nouvelles connaissances à l’instar de Chidi, son « âme soeur » qui voit toujours le bon côté des gens, ses voisins un peu trop parfaits Tahani et Jianyu, et enfin Janet, véritable source de savoir ambulante…

Note : 5 sur 5.

Une série lancée au hasard que j’ai adorée

Après avoir terminé Young Sheldon, je souhaitais me lancer dans une nouvelle série comédie. Au hasard, sans jamais en avoir entendu parler, me voilà élancé dans The Good Place, série créée par Michael Schur, auteur de Brooklyn Nine-Nine que j’avais dévoré. L’intrigue est simple : Eleanor Shellstrop (jouée par Kristen Bell) est envoyée au « bon endroit », une sorte de Paradis, et est accueillie par l’Architecte (l’équivalent du Dieu, ou du Grand Architecte de la franc-maçonnerie). Eleanor est arrivée ici car parcours est admirable, elle a accumulé assez de points pour être sur la liste des habitants du bon endroit. Le problème ? Eleanor n’est pas celle que l’Architecte prétend. Sa vie est bourrée de gaffes, d’erreurs, d’égoïsme et d’injures. Lorsque l’Architecte, Michael (joué par le superbe Ted Danson) lui fait visiter sa maison, Chidi Anagonye (William Jackson Harper) se présente à Eleanor comme son âme soeur (un être avec qui la relation est la perfection absolue). Celui-ci est professeur de philosophie. Dans le souci de cacher sa véritable identité au risque d’aller au « mauvais endroit » (l’Enfer), Eleanor demande à Chidi de lui apprendre à être une meilleure personne.



C’est ainsi que se présente le premier épisode de The Good Place qui annonce toute l’intrigue de la première saison ! J’insiste sur ce point car la suite de la série, sur les saisons suivantes, est très différente. J’en parlerai après. Clairement j’ai adoré cette série ! J’ai enchainé les épisodes qui ne durent qu’une vingtaine de minutes. L’intrigue a l’air simple mais elle fonctionne parfaitement puisque l’écriture est bien maîtrisée et les personnages sont réellement attachants. On ne rigole pas autant que dans une sitcom comme Friends ou The Big Bang Theory mais à la manière de Brooklyn Nine-Nine, on se surprend à ne plus vouloir arrêter de regarder car on désire de connaître la suite. En particulier, j’ai adoré le personnage de Michael, l’architecte, secondée par Janet, une sorte de robot qui comble tous les désirs des habitants du quartier. Son personnage saura évoluer en un être plus humain pour ne pas se cantonner à une IA qui facilite le scénario. La relation entre Eleanor et Chidi prend de plus en plus d’ampleur car leurs personnalités sont opposées, mais pas hermétiques à l’une et l’autre. Surtout, ce que j’ai adoré dans The Good Place est la manière dont les auteurs se sont emparés d’un sujet qui règne dans l’imaginaire religieux pour en faire une série basée sur la rationalité.

En effet, l’idée d’une vie après la mort dans un espace où tout n’est que bonheur à condition de s’être bien comporté ici-bas sur Terre provient du religieux. On parle traditionnellement de bienfaits ou de méfaits, de vertus et de vices de Paradis, d’Enfer, de Dieu et de Satan et tous les équivalents dans les autres religions. Ici, le vocabulaire religieux n’est quasiment pas religieux. Cet aspect-là est rayé. On va parler de bonnes actions ou de mauvaises actions qui vont permettre de calculer un score. Ce score détermine sur l’humain peut aller au bon endroit ou au mauvais endroit construit sur mesure par un Architecte. La série The Good Place va au-delà encore ! La série tient un fil scénaristique savant : Eleanor apprend à travers la philosophie à comment bien se comporter. Exit les « bonnes » ou « mauvaises » décisions. Dans les soucis d’adulte, la réalité est plus complexe que la bonne ou la mauvaise solution. Chidi utilise ses talents de philosophie pour apprendre à Eleanor à comment se sortir d’une situation délicate, tout en lui disant que parfois, la meilleure solution n’est pas toute blanche. Chidi est lui-même une contradiction. Maître de la philosophie, toute sa vie il ne saura choisir. Son anxiété extrême à ne pas savoir quelle décision prendre l’amènera à mourir. Derrière la comédie se déroule implicitement une réflexion savante qui perdure dans les saisons suivantes !



Une toute autre intrigue dans les saisons suivantes ! [Spoilers]

Attention, ces paragraphes contiennent du spoil des événements passés après la saison 1. À la fin de la saison 1, on se rend compte que le « bon endroit » n’est en réalité pas le « bon endroit ». L’Architecte, Michael, n’est pas le génie bienfaiteur qu’il prétend être, mais justement un démon qui a imaginé tout un scénario horrible pour torturer quatre humains : Eleanor, Chidi, Tahani et Jason. En se présentant comme l’architecte du bon endroit, il a fait réunir quatre humains sélectionnés sur mesure pour au mieux les torturer… D’ailleurs, que de moyens utilisés pour si peu de candidats à la torture ! A la fin de la première saison, Eleanor s’en rend compte. Enorme bouleversement que j’ai ressenti à ce moment-là, je ne m’y attendais absolument pas. Ce retournement d’intrigue a d’ailleurs toute la sagesse de pouvoir écrire des saisons suivantes totalement différentes !

En effet, durant la saison 2, Eleanor et ses compagnons sont replongés par Michael dans un nouvel endroit. La mémoire effacée, Michael retente son jeu pour torturer les quatre humains. Si sur le plan scénaristique, cela colle quasiment à la saison 1, notre regard est totalement bouleversé par le fait que désormais, nous savons qui est désormais Michael et notre perception de ses actions est différente ! La saison tourne autour de nos quatre compagnons qui mettent Michael hors de lui, des centaines et des centaines de fois il est obligé de reboot son système car Eleanor et les autres parviennent à faire union contre lui et à comprendre qu’ils ne sont pas au bon endroit !

Dans les saisons suivantes, Michael est en danger. Au-dessus de lui, il a des boss et son nouveau système de tortures, au-delà de la tradition exercée par le mauvais endroit, ne semble pas très efficace et il risque en cas d’échec de disparaître également. Il va alors dans ce cas faire alliance avec les humains pour sauver sa peau, et la leur, en leur promettant qu’en cas de réussite, il pourrait aller au bon endroit. Nouveau scénario ainsi, avec les mêmes personnages auxquels on s’est déjà attachés. C’est là que j’ai commencé à adorer le personnage de Michael personnellement. Au fur et à mesure de leur avancée, les 5 protagonistes vont comprendre qu’il y a en fait un énorme problème d’accès au « bon endroit » et c’est là où j’aimerais vous parler de l’intelligence de la série.



The Good Place : une série intelligente qui repense le Paradis

The Good Place a repensé le Paradis dans une première approche déjà mentionnée : tout le vocabulaire religieux a été supplanté par une dose de rationalité et de philosophie. Cependant, la série va au-delà encore. Dans les dernières saisons, Michael et ses compagnons comprennent que le monde des humains a changé depuis des centaines d’années et que le calcul des points n’est plus du tout adapté au mode de vie des Hommes. Ainsi, lorsqu’un être humain veut faire une bonne action et gagner de nombreux points en achetant un fruit bio par exemple, en réalité il en perd beaucoup plus qu’il n’en gagne parce que ce fruit provient d’un pays étranger et a été récolté par une population qui est exploitée. Derrière chaque bonne action de l’Homme se trouvent des liens de causalité causant beaucoup plus de malus que de bonus. Ainsi, plus personne n’est rentrée au « bon endroit » depuis des centaines d’années.

La tâche de l’équipe de Michael consiste à repenser l’accès au « bon endroit ». Finalement, l’intelligence de la série est là. Nous en tant qu’êtres humains, croyants ou non, nous imaginons toujours le « Paradis » comme un lieu auquel on accède si on se comporte bien. Mais a-t-on déjà pensé à comment scientifiquement et de manière rationnelle l’entrée à cet espace est réalisé ? Nous savons que dans les religions, il y a un « Jugement », mais comment sont calculées les bonnes et les mauvaises actions ? Combien de points – si ce sont des points – faut-il pour y accéder ? Y a-t-il un minimum ? Un seuil de tolérance ? Aussi, qu’est-ce qu’une bonne action face à un dilemme complexe où une solution n’est pas toujours satisfaisante pour tous les partis ? Ce que j’ai adoré avec la série The Good Place, c’est qu’elle m’a permis de réfléchir à tous ces sujets auxquels je n’avais pas pensé. Au-delà de croire si le Paradis et l’Enfer existe, les créateurs ont réfléchi à un sujet plus intelligent encore : réfléchir sur comment on y pénètre !

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