L’uniforme. Marronnier, objet d’une vieillie lubie réactionnaire qui mythifie régulièrement l’École du passé pour mieux cracher sur celle du présent. Sous prétexte de résoudre les inégalités sociales et de mettre fin au harcèlement, les voilà vantant le port de l’uniforme pour toutes et tous, comme à l’époque. Oubliant sûrement que l’uniforme n’a quasiment jamais existé dans l’école publique française, la blouse n’étant qu’un vêtement destiné à protéger les vêtements des enfants lors d’ateliers. De l’égalité, pour tous, pas de riche, pas de pauvre, argumentent-ils. L’uniforme ne résout pas les problèmes d’inégalités sociales, il les cache. Poussière sous le tapis, la cacher justifie ne plus la combattre. Les inégalités sociales persisteront, le sang de l’hémorragie coule toujours si l’on met un simple pansement.

C’est d’autant plus mensonger que l’uniforme ne cache pas totalement les différences sociales. Les uniformes pourraient-on préciser, parce que s’il en faut un pour la vie en classe (et donc plusieurs, puisqu’il faut bien les laver), il en faut d’autres types pour les activités d’arts plastiques, ou sportives… L’École ne pourra pas financer l’uniforme. Si l’École le faisait, voilà bien un budget conséquent ridiculement dépensé, autant dépenser directement en faveur d’actions contre le harcèlement, plutôt que de le cacher par ce moyen ? Ces uniformes, les plus aisés pourront les laver, les repasser, les entretenir régulièrement et en racheter quand le temps passant l’enfant grandit. Les plus pauvres achèteront ceux de seconde main, les retailleront, auront du mal à les entretenir et à racheter le nécessaire comme l’ont remarqué les chercheurs en Angleterre où l’uniforme s’impose. Là-bas, seuls deux intérêts y sont trouvés. Un positif, le renforcement des liens entre les écoliers, et l’appartenance institutionnelle des enfants (mais quel intérêt a-t-on à créer un marqueur de l’école sur un élève ?). Un coup social et financier énorme – pour le plaisir des adultes à faire obéir des gamins en leur imposant une convenance vestimentaire – souvent pas adaptée aux besoins de leur âge. À titre d’exemple, le jogging souvent mal perçu est pourtant le vêtement recommandé par les spécialistes de santé pour les enfants pour lesquels le pantalon ou le jean n’est pas pratique pour l’activité sportive.

Quant au harcèlement présumé, il est bien rare qu’il se pratique par la différence vestimentaire. Rares sont les enfants harcelés parce qu’ils n’ont pas de vêtement de marque. Le vêtement peut en être une forme d’attaque, mais bien moins l’origine, et les harceleurs sauront trouver d’autres failles pour harceler. Quant à l’enfant, lui saura contourner la règle qu’on lui imposera – ce d’autant plus durant l’adolescence où la recherche des limites est souvent la règle. Le vêtement fait parti de la construction de soi (voir étude plus bas). C’est une tension qui s’engendrerait entre l’écolier et l’institution. Un uniforme peut être contourné par le jeu de mal le porter, de le porter différemment – oubliez les adolescents tout particulièrement soignés et soigneux, il suffit déjà d’imaginer et de regarder certains avec leurs propres vêtements qu’ils chérissent. Les contournements de l’enfant avec l’uniforme provoqueront des situations de problème de vie scolaire – donc l’École ne soufflera pas des problèmes de harcèlement scolaire (qui existeront encore) et devra subir cette nouvelle problématique pour faire croire autant aux adultes politisés qu’à l’innocent enfant que le vêtement fait le moine.

Pour aller plus loin : Nicolas Coutant et Aude Le Guennec, « Le vêtement à l’école », Apparence(s) [En ligne], 9 | 2019, mis en ligne le 09 octobre 2020, consulté le 31 juillet 2023. URL : http://journals.openedition.org/apparences/2401

4 réponses à « L’uniforme ou la poussière sous le tapis »

  1. Belle analyse dans laquelle je me retrouve pour l’essentiel.

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    1. Merci beaucoup ! Heureux que vous partagiez le même avis !

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  2. Je crois que tu as tout dit !
    Cette question, c’est aussi un moyen de détourner les regards sur les vrais problèmes qui sont moins vendeurs pour les journaux…

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    1. Un sujet qui revient souvent et qui fait souvent débat.

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