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À l’occasion de la Coupe du Monde, je m’étais procuré en librairie une BD sur l’histoire du Qatar et un livre documentaire en complément : Le Qatar en 100 questions paru chez Tallandier et écrit par Christian Gesnot. Non sans vouloir me prétendre spécialiste de la monarchie pétrolière, ces deux ouvrages feront de vous un bien meilleur connaisseur de ce pays qui fait beaucoup parler de lui à l’étranger.


  1. Cadrage du livre Qatar : les secrets d’une influence planétaire
  2. L’indépendance du Qatar (de l’Antiquité à 1971)
  3. Une émergence au ralenti (1971-1995)
  4. Un Qatar en plein essor qui se diversifie (1995-2023)

Cadrage du livre Qatar : les secrets d’une influence planétaire

Dans son livre, le journaliste spécialiste du Qatar Christian Chesnot répond à 100 questions qui permettent de traiter la monarchie perlière puis pétrolière sur tous les plans. Si l’histoire aborde quelque peu le passé, elle s’intéresse surtout au présent de ce petit pays qui fait tant parler de lui. Quelques pages par question suffisent à se faire une bonne connaissance du pays.


Lecture conseillée et source :
_ Christian Chesnot, Qatar : les secrets d’une influence planétaire, éd. Tallandier, 2022.
Aucune analyse ne m’appartient dans ce billet, il n’est qu’une synthèse des idées de l’auteur.


L’indépendance du Qatar (de l’Antiquité à 1971)

Depuis l’Antiquité, le Qatar s’enrichit grâce à son industrie perlière située sur le littoral du Golfe persique. Le pays a connu plusieurs dominations. Territoire clanique où vivent des bédouins nomades, il est rattaché au XIXe siècle à l’empire ottoman. Se situant sur ses marges, l’empire ottoman a finalement assez peu d’attaches. Les Britanniques désireux de contrôler et de sécuriser le Golfe persique mettent en place un protectorat avec Bahreïn à l’ouest du Qatar. Al-Khalifa, dirigeant du Bahreïn a autorité sur les Qataris. Cependant, ces derniers se révoltent sous la conduite de la tribu des al-Thanis, ceux qui dirigeront plus tard et toujours aujourd’hui la monarchie du Qatar. L’empire ottoman ne perd pas de vue le petit pays et tente à plusieurs reprises de le récupérer jusqu’à sa défaite en 1893 lors de la bataille d’Al-Waibah.

En 1916, le Qatar devient un protectorat britannique. Afin d’affaiblir l’empire ottoman, Londres fait miroiter la promesse d’un grand État d’Arabie unifié pour ceux qui soutiendront l’empire britannique face à l’empire turc. L’empire ottoman s’effondre, Ibn Saoud s’impose et crée après la Première Guerre Mondiale le pays voisin de l’Arabie Saoudite. Malgré la promesse des Britanniques, l’empire refuse de se retirer du Qatar alors que l’Arabie Saoudite souhaitent les récupérer. En cause : la découverte de gisements de pétrole. D’ailleurs en 1935, un accord commercial entre le Qatar et les Britanniques est trouvé donnant naissance à la 1e concession onshore du Qatar. De son côté, Ibn Saoud se dirige vers les États-Unis pour créer l’Aramco en 1944 et exploiter également ses réserves.

À la fin des années 1960, l’économie britannique décline et l’empire retire alors ses troupes dans le Golfe persique. Pour assurer la stabilité régionale et l’exploitation du pétrole, manne financière, 6 émirats s’unissent pour former les Émirats Arabes Unis (E.A.U) en 1971. Le Qatar et Bahreïn devaient en faire partie mais une mésentente sur la Constitution en a décidé autrement. Le 3 septembre 1971, le Qatar devient un pays indépendant mais isolé : l’Arabie Saoudite a des vues sur son pétrole, les E.A.U se sont unis sans eux, et Bahreïn a mis en place un embargo économique contre le pays. Alors que l’industrie perlière n’existe plus faute à la concurrence japonaise depuis les années 1920, le Qatar est seul avec son pétrole dans un territoire dont le milieu naturel n’est pas propice au développement de l’Homme.



Une émergence au ralenti (1971-1995)

Deux motivations géopolitiques animent le Qatar de Khalifa Ben Hamad Al Thani (1972-1995). Celui qui a renversé son père l’année précédente rêve d’une Ligue Arabe (une union entre les peuples arabes) et une stabilité régionale nécessaire au développement du Qatar. Ainsi, l’installation d’Israël après la Seconde Guerre Mondiale fut très contestée. Le Moyen Orient fut une aire de jeu durant la guerre froide, l’Iran et l’Arabie Saoudite sont soutenus par les Etats-Unis. La guerre du Kippour entre Israël et le monde musulman amène un premier choc pétrolier en 1973 : un embargo est mis en place contre les puissances occidentales. Un second suivra en 1979 provenant d’Iran lors de la révolution islamique, une rébellion contre la corruption perse et l’impérialisme américain. En 1980, l’Irak de Saddam Hussein envahit l’Iran pour s’imposer comme puissance militaire régionale. Une situation régionale qui devient risquer pour le développement des monarchies pétrolières.

Les monarchies pétrolières dont le Qatar créent en 1960 l’OPEP (Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole). En 1971, un gisement de gaz naturel offshore dans le golfe Persique est découvert, partagé entre les eaux territoriales du Qatar et de l’Iran. L’Etat s’enrichit, les avantages matériels (habitat, eau, électricité) et les services publics sont gratuits. En échange, la population se tait face au manque de liberté. C’est un « autoritarisme moderne ». Durant la guerre entre l’Irak et l’Iran qui dura huit ans, les monarchies pétrolières s’unissent pour préserver la paix. Lorsque l’Irak envahit le Koweït et le conquiert en deux jours en 1990 pour récupérer des terres que Saddam Hussein estime être des « reliquats de l’empire britannique » et devant lui appartenir, le Qatar coopère avec les États-Unis et signe même un accord de défense. Ainsi, la paix demeure une nécessité pour le développement du Qatar qui craint la guerre.



Un Qatar en plein essor qui se diversifie (1995-2023)

Hamad, le fils de Khalifa, est un militaire formé au Royaume-Uni, symbole des liens historiques entre les deux pays. Souhaitant moderniser plus rapidement le Qatar, il renverse son père et prend le pouvoir en 1995. Il impulse une grande politique destinée à ouvrir le pays aux puissances occidentales, à soigner l’image du Qatar, et à le développer et le sécuriser économiquement. Le Qatar a grand soin depuis 1995 de développer ses relations avec les puissances occidentales. Dans les années 1990, les relations du Qatar avec la France de Jacques Chirac se renforcent et aboutissent à un accord international. En 2001, l’attentat du World Trade Center, perpétrés par des Saoudiens, bouleversent la coopération économique entre les deux pays. La base militaire américaine installée en Arabie Saoudite est transférée au Qatar, à Al-Udeid. Le Qatar avait soutenu les États-Unis ouvertement lors de leur invasion en Irak. Le rêve d’une Ligue Arabe n’a pas non plus disparu puisque le Qatar soutient les révolutions des printemps arabes en 2010-2011 en soutenant les Frères musulmans. Cette opération géopolitique a d’ailleurs été mal perçue par de nombreux pays occidentaux : le Qatar cherche à redorer son blason notamment à travers la Coupe du Monde et en se faisant médiateur dans de nombreux conflits internationaux. Par exemple, le Qatar offre souvent la manne financière essentielle pour la libération d’otages ou encore est le seul pays à accueillir une ambassade talibane pour que les discussions entre l’Afghanistan talibane et les puissances étrangères puissent se réaliser.


Base d’al-Udeid.

Sur le plan économique, l’extraction du pétrole s’est intensifiée. Les immenses villes dont nous avons aujourd’hui tous les représentations proviennent des pétro-dollars. La Qatar Investment Authority (QIA) a 100 milliards de dollars d’actifs (12e rang) et investit à l’étranger : c’est un véritable bras financier. L’investissement est réalisé dans l’hôtellerie, le luxe ou encore le sport. Le pays est devenu le pays au plus fort PIB/hab. Le Qatar sait que le pétrole et le gaz sont des énergies non-renouvelables, ces investissements à l’étranger, dans une agriculture locale moderne et dans des énergies renouvelables sont destinées à diversifier son économie afin de ne plus être dépendant des hydrocarbures (gaz, pétrole). Cet essor économique se produit également par une importation d’une énorme main d’œuvre étrangère à bas-côté, provenant notamment de l’Inde. L’exemple de la Coupe du Monde où les immigrés travaillent sur les chantiers des stades est aujourd’hui bien connu avec ses nombreuses polémiques autour du salaire, des conditions de travail ou des logements insalubres. Les Qataris ne représente que 10% de la population, majoritairement oisive, le reste est constitué de main d’œuvre étrangère. Le tout est évidemment caché par le Qatar qui doit faire attention à son image. Effectivement, le développement économique du Qatar repose avant tout sur l’image que le pays montre à l’étranger. Une anecdote réelle et connue raconte que l’émir reprenait l’avion pour rejoindre le Qatar. Le contrôleur de l’aéroport lui avait dit qu’il ne connaissait pas l’existence de ce pays. Alors l’émir s’est juré que le monde entier finira par connaître le Qatar. Si le développement économique aujourd’hui va bon train, l’émir cherche à rendre sa population moins oisive tandis que les plus conservateurs critiquent l’occidentalisation du mode de vie.

Sur le plan culturel, le pays du Qatar est un pays qui reste très conservateur dans sa religion et dans sa culture. Pour soigner son image international, quelques mesures sont prises à l’images des élections à suffrages mixtes (les femmes peuvent voter) ou encore l’autorisation pour les femmes de conduire. L’idée d’une Ligue Arabe ne s’est pas envolée. Afin de soigner l’image de la communauté musulmane et de jouer sur la politique étrangère, le Qatar a lancé Al-Jazeera en 1996. Symbole du soft power, Al-Jazeera se veut être son fer de lance dans un contexte de guerre médiatique avec son ennemi l’Arabie Saoudite. Al-Jazeera est la caisse de résonance de l’islamisme mondial laissant une énorme liberté d’expression (tant que ça ne concerne pas les affaires intérieures du Qatar) jusqu’à diffuser des images polémiques qui ont entaché son image comme les déclarations de Ben Laden entre 2001 et 2010. C’est également par Al-Jazeera que le Qatar a souhaité influencer les printemps arabes de 2010-2011 et qui ont permis la victoire des Frères musulmans aux élections de Tunisie et d’Egypte. Le Qatar joue sur plusieurs plans : ennemi de l’Arabie Saoudite, elle soutient son dirigeant contre les rebelles hittites. Allié des États-Unis, elle a développé ses échanges économiques avec l’Iran lorsqu’en 2017, plusieurs pays du Golfe ont établi un blocus contre le Qatar puisque le pays était accusé de financer des terroristes. Le Qatar se voit reprocher aussi ses liens avec le Hamas, branche des frères musulmans à Gaza qui fait la guerre à Israël. Enfin, le Qatar est soupçonné de financer Daesh.

Aujourd’hui, le Qatar se développe économiquement. Depuis le blocus de 2017 qui fut un échec et qui a accéléré l’indépendance économique du pays, un sentiment national autour de l’émir s’est créé. Depuis la guerre en Ukraine et l’arrêt de l’achat du gaz russe, les puissances occidentales se tournent vers de nouvelles puissances comme le Qatar pour renforcer encore plus leur lien. Le Qatar fait quand même face à plusieurs défis, notamment les polémiques qui concernent le pays autour du droit du travail, de la liberté ou de la pollution. La fin des hydrocarbures, le dérèglement climatique et le désengagement des États-Unis au Moyen Orient forceront le Qatar à modifier ses stratégies.

2 réponses à « Le Qatar en 100 questions, l’histoire d’une monarchie pétrolière de l’Antiquité à aujourd’hui »

  1. […] Christian Chesnot et Georges Malbrunot sont tous les deux journalistes français spécialistes du Moyen Orient. J’avais déjà lu et chroniqué un livre de Christian Chesnot, Le Qatar en 100 questions. […]

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