Le 1er mai 2019, journée internationale des travailleurs et travailleuses, des débordements ont eu lieu. Voilà bientôt 25 semaines que des manifestations hebdomadaires ont lieu, résultante d’un mécontentement social et fiscale. Un mécontentement que le gouvernement et ses soutiens tentent de faire taire par n’importe quels moyens, usant parfois de l’incompétence de certains médias. Voici l’histoire de la fake-news et de la manipulation d’une attaque à l’hôpital de la Pitié Salpêtrière.


Une « attaque » violente et hargneuse ?

Entrons dans vif du sujet avec les déclarations du narcissique ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner. Connu pour se mettre en scène – ainsi que le démontre ces photos – il nous affirme que l’hôpital a été « attaqué » et le personnel soignant « agressé ». Des mots très durs pour donner à l’ensemble du mouvement des GJ et d’autres une image péjorative, de danger de la République dont les forces de l’ordre seraient nos héros. Ceci dit, David Dufresne a quand même rassemblé plus de 700 injustices policières (violences, insultes, illégalités) mais le soutien aux forces de l’ordre reste « indéfectible » et l’aveuglement est permanent. Situation totalement partiale alors qu’un ministre de l’Intérieur doit assumer ses responsabilités.



Le Parisien nous apprend qu’une trentaine de personnes ont été placées en garde à vue suite à une « intrusion dans l’enceinte de l’établissement ». Le motif de la garde à vue est, selon Le Monde, pour « attroupement en vue de commettre des dégradations ou violences ». Un motif de garde à vue bien sommaire, juste un prétexte pour les arrêter puisque nous allons dans cet article que ce motif est invalide. Quoi qu’il en soit, l’enceinte d’un hôpital ne signifie pas les locaux, les bâtiments mais bien l’enceinte dans son terme général, c’est-à-dire aussi l’extérieur. La direction de l’hôpital est au courant, elle nous parle de Gilets Jaunes, de manifestants en tenue civile et d’individus masqués, donc des personnes actives dans les manifestations. Elle aurait prévenu les services de police. Cette direction nous relate que les manifestants auraient tenté d’entrer dans un service de réanimation. C’est vrai, les manifestants qui ne connaissaient pas l’hôpital et qui n’ont pas pris la porte habituelle d’entrée ont voulu rentrer là où ils pouvaient. Service fragile, l’équipe médicale leur a barré la route puisqu’ils ne connaissaient pas leurs intentions, selon les Décodeurs. Tout ce vocabulaire est volontairement utilisé pour faire passer ces personnes comme une meute en colère, prête à dévaster un hôpital, atteinte d’une rage haine, ces factieux insurrectionnels. Sachez toujours que l’utilisation d’un certain vocabulaire est toujours conscient et qu’il y a un motif derrière. Sauf que… cette image ne reflète pas du tout la réalité.


La nécessité de se réfugier

Un interne, Mickaël Sebban, affirme dans un premier point que des manifestants ont voulu fuir des lacrymogènes. Cette partie de l’histoire est dans un premier temps totalement éludé des dires des opposants aux manifestations. C’est conscient et volontaire. Quelles étaient les intentions des intrus ? « C’est un peu difficile de différencier les casseurs des gens qui voulaient juste se mettre à l’abri des lacrymogènes », reconnaît Mickaël Sebban, « mais en tout cas ces gens essayaient de forcer la porte ». Une « dizaine de minutes » plus tard, selon Marie-Anne Ruder, les forces de l’ordre sont arrivées et ont délogé les manifestants. À travers ce témoignage, on sait que les manifestations n’ont pas pu rentrer et étaient à l’extérieur. Dans ce même article du Parisien, le Pr. Mathieu Raux nous explique que du matériel a été vandalisé, sauf que d’autres personnels n’ont pas la même vision de l’histoire, ni même la direction de l’hôpital sur ce sujet puisque comme expliqué auparavant, les manifestants sont restés en dehors des bâtiments, ils n’ont pas pu rentrer.



Des versions contradictoires : la vérité s’expose

Les témoignages accourent et affirmant dans un élan unique que les manifestants cherchaient refuge. Les vidéos quant à elle, car heureusement, ce fut filmé, montrent des manifestants non agressifs. Et a contrario, les policiers venus les déloger ont par contre montré une agressivité illégitime contre les Gilets Jaunes. Après tout, une violence de plus sur plus de 700 sourcées et documentées, qu’est-ce que ça peut bien faire ? Le silence des médias mainstream, du moins le manque de couverture, face à cet énorme problème démocratique, sociale, le tout dans un État de droit, est désarçonnant. Les équipes médicales, notamment, relatent la nécessité d’un refuge pour les manifestants et ne suivent pas le discours de la direction qui semble dès le début totalement partial.




Dans son thread, le journaliste Wladimir Garcin-Berson nous donne des éléments de contexte. Cliquez dessus pour tout lire. Il nous dit qu’en première ligne, les manifestants affrontaient les forces de l’ordre et qu’à l’arrière, la masse pacifique était bloqué. Que face aux gaz lacrymogènes déployés, cette masse, pas forcément habituée aux manifestations car ici nous sommes le 1er mai, rare qu’il y ait autant de violences, ont essayé de s’échapper, sans doute sentant la violence venir et notamment une avancée des CRS, avancées réputées extrêmement violentes depuis que les vidéos des derniers mois le démontrent. Les journalistes du Monde affirme également que l’atmosphère était intenable, que plusieurs manifestants et CRS étaient soignés à cet hôpital à cause des gaz. C’est donc une foule diversifiée qui s’est réfugié à l’hôpital. Pourtant, toujours selon le Parisien, Castaner affirme que les manifestants qui ont « attaqué » l’hôpital étaient des « dizaines de militants anticapitalistes d’ultragauche black blocs ». Non seulement ça fait beaucoup d’adjectifs, non seulement ça concerne une catégorie très précise d’individus, mais ça nous permet de nous poser la question suivante : Castaner est-il devin, a-t-il des rayons X ? Ou alors, il tente de discréditer le mouvement et de défendre le capitalisme et la droite face à ses opposants au mépris de la réalité et de la vérité. Choisissez l’excuse qui vous convient le mieux, l’une est plus probable que l’autre.




Samuel Laurent, journaliste des Décodeurs, lui-même affirme que selon les différents témoignages, l’entrée dans l’enceinte de l’hôpital n’était pas voulue. Ni les exactions – si elles existent – à l’intérieur.


Un traquenard ?

Certains témoignages nous disent que c’est un traquenard. Cela me fait penser à l’année dernière, le 1er mai également, où les manifestants étaient rassemblés et bloqués place de la Contrescarpe, lieu où Alexandre Benalla avait fait son affaire. Vous savez, ce personnage qu’Emmanuel Macron dans un récent et précédent discours a affirmé que « l’Elysée n’a jamais cherché à le protéger ». Vous savez, lorsque la crédibilité vient à être touchée plusieurs fois – et on sait le nombre de fois qu’elle fut une victime dans ce gouvernement – on perd instinctivement toute confiance. David Dufresne publie de nombreuses vidéos, et beaucoup tournent sur les réseaux sociaux. Il est difficile de tout mettre ici.



Marion Lopez, journaliste indépendante, déclare dans son tweet que la gestion des cortèges fut très mal organisée. Ou était-ce fait exprès ? Loin d’un complot, il existe bien des stratégies comme dans tout pays pour gérer des manifestations.



Ensuite, vous comprendrez aisément que lorsque des forces de l’ordre arrivent sur l’hôpital, les manifestants sont en panique. Il faut bien chercher une sortie, et c’est là qu’on les voit se disperser dans l’enceinte de l’hôpital. Au passage, vous remarquerez sur la vidéo ci-dessous, vers la fin, les motards tabassant à coup de matraque gratuitement un manifestant.



Le gouvernement ajoute de l’huile sur le feu

S’il existe véritablement un traquenard – et que même si Agnès Buzyn en est au courant ou pas, c’est un bon motif pour déclarer à la radio que les manifestants ont atteints des sommets d’incivilités. Si l’on traduit, c’est que les manifestants ne seraient pas des civils, du moins n’en auraient pas le comportement, donc ils ne seraient pas des citoyens. Donc quoi ? Des gueux, des étrangers, des sauvages ? Il paraît incroyable qu’avec les éléments qui nous arrivent depuis ce matin, la ministre de la Santé tient dur comme fer sa version et ne connaît pas les dangers et les actes que l’on peut accomplir lorsque l’on est gazé.


Pour Edouard Philippe, c’est une occasion pour dire que cette entrée dans l’hôpital est une « remise en cause des services publics », n’est-ce pas drôle ? Non seulement, il n’y a aucun rapport, hormis déverser de l’huile sur le feu pour dire que les manifestants sont contre le service public (bien au contraire), mais en plus, ça sort de la bouche d’un Premier Ministre dont le gouvernement détruit et casse le service public.


Une précipitation étrange : la communication

Normalement, quand on a des responsabilités et qu’on exerce un grand rôle au sein de la communauté de citoyens, on est prudent. La prudence est mère de sûreté. Pourtant, lors de cet incident, toute la communication des membres du gouvernement est arrivée rapidement. Le soir même, Agnès Buzyn, ministre de la Santé qualifie déjà cet acte. Pour l’heure, personne n’avait réellement d’informations sûres. Elle ne prend pour source que la direction de l’hôpital. Une direction de l’hôpital qui est remise en question comme on l’a vu non seulement à travers les témoignages des acteurs sur place – tant manifestants que infirmiers – mais aussi par les vidéos. C’était par ailleurs le seul tweet de la journée de la ministre. Quant à Christophe Castaner, à l’heure même du tweet d’Agnès Buzyn, il était déjà rendu sur les lieux (c’est-à-dire qu’il a préparé à l’improviste, très très rapidement quand même, toute l’organisation nécessaire pour son voyage et son rendu sur place), photographies de mise en scène déjà faites sans avoir d’informations sûres, à part encore, la direction de l’hôpital. Mais aujourd’hui, à travers les témoignages et un recul, tout tombe en ruine.



La preuve ultime du mensonge

Cet après-midi, une énième vidéo est mise en ligne. Elle démontre définitivement qu’il n’y a pas eu d’intrusion dans l’hôpital, qu’elle n’aurait pas été volontaire, et que l’hôpital n’a pas été attaquée. Cette vidéo est effrayante et il faut la commenter. Les manifestants sont réfugiés dans l’enceinte de l’établissement. Tout à coup, les forces de l’ordre arrivent en masse en les poursuivant, créant un mouvement de panique. Chacun cherche une issue possible. Un groupe d’une trentaine de personnes montent aux escaliers conduisant au service réanimation, où l’équipe soignante vient d’entrer et de s’enfermer dans le service, bloquant la porte car c’est un service fragile. Dehors, on tape à la porte. Quelques minutes plus tard, quand la police arrive, un dialogue commence avec entre l’équipe soignante et les manifestants sur les raisons de la non-ouverture de la porte. Les manifestants supplient, ils ont peur. L’équipe médicale tente de les rassurer : « Mais non, ils ne vont rien vous faire… ». La rupture est là. Une rupture fondamentale. Non seulement la population détestait de plus en plus les forces de l’ordre, mais désormais, les Français ont PEUR de LEUR PROPRE POLICE. Et pourtant, Christophe Castaner, Agnès Buzyn et Edouard Philippe ont abusé d’un mensonge éhonté. Prétextant une attaque qui s’avère inventée de toutes pièces pour dénigrer le mouvement des Gilets Jaunes et la journée du 1er mai, il n’est désormais plus possible de faire confiance aux membres du gouvernement qui n’assument ni leurs responsabilités, ni leurs fonctions. Ils ne sont pas à la hauteur de leur charge.


Conclusion

Nous l’avons vu, le gouvernement n’a pas tardé à s’inquiéter des actions qui se déroulaient à l’hôpital de la Pitié Salpêtrière avec une étonnante précipitation sans avoir de réelles informations fiables. Le vocabulaire utilisé, la communication utilisée, les actions réalisées : tout est mis en ordre et en scène pour décrédibiliser le mouvement de colère, le mouvement insurrectionnel. Aujourd’hui, à travers des témoignages et des vidéos, nous pouvons définitivement remettre en cause la version du gouvernement qui nous donnera sûrement aucune explication, aucune excuse d’un mensonge inventé de toutes pièces. Cet événement révèle une fracture fondamentale, celle d’une rupture majeure entre la population et les forces de l’ordre. Des forces de l’ordre qui effraient, et non plus des forces de l’ordre qui rassurent. Nous sommes dans un État policier, un État autoritaire. D’autant plus que ce dernier – et par son président Emmanuel Macron – est déjà marqué par un terrible manque de confiance et de crédibilité, ponctué d’une touche d’aveuglement partial.

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