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Troisième roman de la série du commissaire Jean-Baptiste Adamsberg, Fred Vargas nous livre un récit à la fois moderne et médiéval dans Pars vite et reviens tard (2001). Alors que le commissaire Adamsberg et son adjoint Danglard s’installent dans un nouveau bureau de Paris, voilà que des messages annonçant la peste et des cadavres piqués par des puces font leur apparition. Une panique générale se crée : les habitants se mettent à peindre des 4 sur leurs portes, un symbole légendaire qui protégerait la population, la police est débordée par les appels. Qui est ce semeur qui ne s’exprime que par des messages criés dans la rue ? Adamsberg n’est pas le seul à enquêter sur ce mystérieux protagoniste.


– Mais je vais vous frustrer, j’en ai peur. Je ne chercherais pas votre semeur au sein d’une famille décimée par la peste. Mais au sein d’une famille épargnée. Cela fait des milliers de gens possible et non plus seulement trente-quatre.
– Pourquoi épargnée?
– Parce que votre semeur se sert de la peste comme instrument de puissance.
– Eh bien?
– Tel ne serait pas le cas si la peste avait vaincu sa famille. Il l’abominerait.

Pars vite et reviens tard (Fred Vargas)


Auteur : Fred Vargas

Éditeur : J’ai Lu

Genre : Roman policier

Sortie : 2001

Nationalité : Français

Pages : 352 pages

Résumé : D’étranges signes tracés à la peinture noire sur des portes dans tout Paris. À première vue, on pourrait croire à l’oeuvre d’un tagueur. Le commissaire Adamsberg, lui, y décèle une menace sourde, un relent maléfique. De son côté, Joss Le Guern, le Crieur de la place Edgar-Quinet, se demande qui glisse dans sa boîte à messages d’incompréhensibles annonces. Certains billets sont en latin, d’autres semblent copiés sur des ouvrages vieux de plusieurs siècles. Et tous prédisent le retour d’un fléau venu du fond des âges…

Note : 3.5 sur 5.

C’est toujours un petit plaisir d’ouvrir un Fred Vargas. L’Homme à l’envers est le premier véritable roman que j’ai lu, lecture imposée par ma professeure de français au collège. L’histoire était si dense qu’elle nous a demandé notre impression. Mes camarades de classe me demandaient de me taire, j’étais sans doute l’un des rares à avoir bien avancé dans cette lecture passionnante. Si finalement elle n’a jamais fait de contrôle sur ce livre, elle m’a permis d’embrasser un univers qui m’était quasiment inconnu : la littérature ! Alors il est vrai qu’après Coule la Seine et L’Homme aux cercles bleus, j’ai décidé de sauter l’Homme à l’envers pour me lancer directement dans Pars vite et reviens tard. Une intrigue policière satisfaisante, bien que quelques éléments ne soient plus originaux en 2024.

Le début du roman m’a tout de suite plu. On suit Joss le Guern, ancien marin et taulard qui a su se réintégrer à la société par une idée innovante. Joss a réinventé le métier de crieur, vous savez, cette personne qui criait dans la rue les nouvelles du jour pour appâter les curieux et vendre les journaux. Une tradition du XIXe siècle, disparue à l’époque de Joss. L’ancien marin a réinventé le concept ! Le crieur ne vend plus l’information de la presse, mais les messages de tout à chacun. Celui qui paie peut laisser son message dans la boîte en ivoire de Joss, et celui-ci le lira. Il y a le « licite », ce qui ne pose pas de problème comme des messages d’amour, des menaces à peine cachées ou la vente de légumes. Et puis il y a « l’illicite », ce que Joss ne lit pas car bien trop vulgaire. Entre deux, il y a les « spéciales ». Depuis quelques semaines maintenant, un curieux personnage glisse dans des enveloppes chères des messages intrigants… Decambrais, un habitant de la place au passé troublant, décide d’enquêter sur cette littérature laissée à la criée… C’est cette partie que j’ai le plus appréciée. Quel génie a eu Fred Vargas dans cette réhabilitation du métier de crieur. Elle a créé finalement le mur Facebook avant l’heure ! Ou même Twitter.


— Des menaces ?
— Peut-être. Des annonces anonymes, des annonces de mort.
Joss posa ses coudes sur ses cuisses, amusé. Il n’allait pas s’en sortir aussi facilement, avec ses anxiétés fumeuses, le lettré.
— Qui visent directement une personne ? demanda Adamsberg.
— Non. Des annonces de destruction générale, de catastrophe.
— Bon, dit Adamsberg en continuant à aller et venir. Un prédicateur du troisième millénaire ? Qui annonce quoi ? L’apocalypse ?
— La peste.
— Tiens, dit Adamsberg en marquant une pause. Ça change un peu. Et comment vous l’annonce-t-il ? Par courrier ? Par téléphone ?

Pars vite et reviens tard (Fred Vargas)

De son côté, le commissaire Adamsberg est alpagué par une femme craintive. Dans son immeuble, quelqu’un a recouvert toutes les portes d’un « 4 » avec une double barre à l’extrémité. Quelle chose étrange quand Adamsberg apprend que ce phénomène s’est produit en plusieurs lieux, et qu’à chaque fois, une seule des portes n’a pas été peinte. Très vite, il entend parler d’un fléau qui risque de s’abattre sur les habitants : la peste. Adamsberg sera très vite en lien avec le crieur le Guern puisque les annonces passent par lui, et avec Decambrais qui s’est attelé depuis un moment à noter toutes les « spéciales ». Adamsberg s’entourera de spécialistes de la peste, pour comprendre cette foutue maladie. On est ici dans le cœur du sujet qui à l’époque pouvait être original et effrayant. Un sujet qui colle bien à l’archéozoologue qui sort quelque peu des sentiers battus, en évoquant certainement la peste noire du milieu du XIVe siècle, mais aussi celles de 1720 à Marseille et des chiffonniers à Paris en 1920. Une lecture instructive pour qui ne connait pas le sujet. Vous vous doutez bien que pour le prof d’histoire-géo que je suis, le livre me fait baigner dans un univers que je connais trop, hélas.

Bref, on dira que cette ambiance pesteuse est compensée par le superbe métier de « crieur ». Le contexte de Pars vite et reviens tard est donc sympa mais sans véritable plus. Heureusement, Adamsberg est là. J’aime bien ce commissaire qui est à la fois un lambda, sans génie particulier, et un original, qui fonctionne surtout à l’instinct. Bon, il est vrai que parfois ce système de pensée lui fournit quelques lumières capillotractées… notamment sur le coup de la bague pour repérer vous savez qui et sentir sa présence lorsqu’il est sur la place Edgar-Quinet… Avec lui, Danglard figure l’opposé et permet la création de liens sympathiques et réflexives entre les deux personnages… qui auraient pu être approfondis. N’empêche qu’avec Fred Vargas, on a l’impression que le métier de commissaire laisse beaucoup de temps libre étant donné qu’Adamsberg dédiée quasiment toutes ses journées à la marche…



– Ce ne sont que des mots. Des mots. Ça n’a jamais tué personne. Ça n’a jamais tué personne. Ça se saurait.
– Mais ça se sait, Le Guern. Les mots ont toujours tué, au contraire.
– Depuis quand ?
– Depuis que quelqu’un crie « A mort ! » et que la foule le pend. Depuis toujours.

Pars vite et reviens tard (Fred Vargas)


Peut-on deviner le dénouement ?

Au-delà du contexte et des personnages, ce qui fait le bon policier, c’est sa narration et son intrigue. L’histoire est toujours plaisante et accessible à la lecture. Par contre, avec un peu de recul, je reste quelque peu déçu du dénouement. J’ai beaucoup aimé la partie du semeur de peste qui relève du psychologique liée à son histoire troublante, doublée de croyances en lien avec l’histoire de sa famille. Ces passages sont bien pensés, réfléchis et cohérents. Ils auraient pu être accentués dans le traumatisme, et la partie croyances aurait pu être encore davantage développée ! Mais… le dénouement final est décevant quand on sait finalement qui est qui. Ce qui m’a le plus déçu reste la longue lettre finale qui n’est qu’un compte-rendu du livre. Y a-t-il vraiment besoin que le « méchant » explique tout par écrit de ses plans démoniaques ? ou sommes-nous assez adultes pour comprendre les ficelles de l’intrigue soi-même ? Je n’aime pas trop cette manie d’accompagner le lecteur au point de lui faire un guide complet du livre. En réalité, j’aurais bien aimé que Fred Vargas ne reste concentrée que sur le semeur de peste, que tout lui soit mis sur le dos ! Est-ce que le lecteur peut démêler lui-même le dénouement ? Pour une partie, oui, le lecteur peut connaître le coupable s’il retient bien les informations fournies, notamment les détails historiques ! Pour le reste, une partie de l’intrigue est impossible à dérouler seul puisque les informations y afférents n’y sont écrites qu’à la fin.

Pour résumer, Pars vite et reviens tard de Fred Vargas est un roman policier qui saura plaire aux férus d’histoire ou d’épidémies. Plus qu’une enquête policière, Adamsberg se plonge dans des recherches historiques et littéraires pour comprendre où veut en venir le semeur de peste dont les seules traces sont ses lettres laissées au crieur public. Un roman qui plaira à ceux qui aiment s’attacher aux personnages loufoques, à la psychologie dérèglée, et qui n’ont pas peur des ficelles scénaristiques trop simples.

Une réponse à « Pars vite et reviens tard, le policier de Fred Vargas sur un semeur de peste »

  1. je partage votre avis. J’ai adoré l’histoire du crieur, la relation entre les 2 inspecteurs, l’ambiance de la terreur de la peste.. mais la fin m’a beaucoup déçu, pour les mêmes raisons que vous avez évoquées.

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