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L’ouvrage est massif. Sur sa couverture, deux blocs de craie taillés à l’effigie d’une figure féminine. Déesse de l’agriculture ? Déesse de la fertilité ? Totem de protection pour les accouchements ? Plusieurs théories tournent autour de ces minuscules statuettes aux formes exagérées, toujours coupées aux bras et aux cuisses. L’élément extraordinaire est qu’elles existent en plusieurs dizaines d’exemplaires, des Pyrénées jusqu’en Sibérie ! Ces « Vénus » d’Amiens-Renancourt sont bien les maîtres-objets de l’exposition actuelle au Musée de Picardie intitulée, La Somme des Préhistoires, dont nous avons ici le catalogue d’exposition y réunissant plus d’une vingtaine d’auteurs. Un ouvrage parfait pour qui veut s’immiscer dans l’histoire avant l’histoire.


Livre et catalogue la Somme des Préhistoires

Catalogue d’exposition, La Somme des Préhistoires est disponible à l’achat en ligne et au musée de Picardie dans le cadre de l’exposition La Somme des Préhistoires centrée sur le Paléolithique et sur les fouilles archéologiques effectuées dans la vallée de la Somme. L’exposition s’achève début novembre 2024.

Notion : Le Paléolithique commence il y a 3,3 millions d’années au Kenya et les plus anciens outils utilisés par les Australopithèques. Suivra la lignée du genre Homo. Ces espèces sont nomades et chasseurs-cueilleurs. Le Paléolithique se termine en -12 000, période du Mésolithique dans laquelle les Homo sapiens deviennent progressivement sédentaires et agriculteurs-éleveurs.


Liste des auteurs :

Auteurs Somme des Préhistoires

Lecture conseillée et source : Collectif, La Somme des Préhistoires, Snoeck, 2024.
Livre accessible pour un public étudiant et adulte.


Sommaire de La Somme des Préhistoires


La Somme, région pionnière dans l’invention de la Préhistoire

Pourquoi la Somme ? La dimension départementale de l’ouvrage La Somme des Préhistoires (notez le jeu de mots) ne doit pas faire peur au lecteur qui pourrait penser que le livre est géographiquement trop spécialisé. Bien au contraire, c’est ici une formidable porte d’entrée à la Préhistoire ! La Somme est un territoire pionnier des recherches archéologiques et préhistoriques ! C’est dans ce département au XIXe siècle que nombre d’ouvriers, d’amateurs et de scientifiques ont trouvé des outils taillés à côté d’ossements d’animaux disparus depuis bien longtemps. Si longtemps qu’ils seraient disparus avant le Déluge, selon le dogme chrétien dans lequel baignaient les populations européennes à l’époque. Quel choc pour la population et la religion de découvrir qu’il y avait bien des Hommes antédiluviens – avant le Déluge – et il a fallu d’autres découvertes ailleurs en Europe et en France pour affirmer scientifiquement ces révélations ! C’est Jacques Boucher de Perthes, agent des douanes à Abbeville, qui est considéré comme « l’inventeur de la Préhistoire » lorsqu’il publie en 1858 ses Antiquités celtiques et antédiluviennes. Dans un contexte d’avancée de la science, tant en géologie par la paléontologie stratigraphique de Buffon au XVIIIe siècle qu’en biologie avec l’évolution des espèces de Charles Darwin, que la Somme devient un territoire précurseur dans l’archéologie et la Préhistoire qui deviendront bientôt de véritables disciplines scientifiques. Les fouilles effectuées dans la vallée de la Somme ont donné naissance à de nombreux termes encore aujourd’hui utilisés, ainsi Gabriel de Mortillet choisit le mot « Acheuléen » pour désigner la plus ancienne culture matérielle de la pierre connue en rapport avec les fouilles dans le gisement d’Amiens Saint-Acheul.



Les paysages, la faune et la flore au Paléolithique

De fait, La Somme des Préhistoires a pour objectif de faire la somme de ce que l’on connait de la Préhistoire dans le département de la Somme (Picardie, Hauts-de-France), en s’appuyant sur des données archéologiques. Le début de l’ouvrage est historiographique, il présente les principales figures qui ont permis à la Préhistoire de naître dans la vallée de la Somme, les débats qui ont pu avoir lieu hier et aujourd’hui ainsi que les questions en débat aujourd’hui. Une deuxième partie du livre présente la Préhistoire du département, « des premiers peuplements au Mésolithique ». Avant même de commencer par l’Homme, les auteurs présentent le cortège faunique, la flore et les paysages. En effet, nous vivons actuellement dans l’ère du Cénozoïque, à la période du Quaternaire. Ce Quaternaire est divisé en deux époques : le Pléistocène (1,8 Ma à – 12 000) et l’Holocène (-12 000 à aujourd’hui). L’époque qui nous intéresse est le Pléistocène, caractérisé par des périodes glaciaires qui durent environ 100 000 ans et des périodes interglaciaires (plus chaudes) qui durent environ 10 000 ans. Pour information, l’Holocène est notre époque actuelle, depuis la fin de la dernière ère glaciaire. Durant ces phases glaciaires et interglaciaires, le paysage de la Somme n’est pas le même. A l’époque glaciaire, toundra et steppe forment le paysage. A l’époque tempérée, on parle plutôt de forêts de feuillus. Par conséquent, la faune n’est pas la même. Le bison, le mammouth, le rhinocéros laineux sont des espèces typiques de la période glaciaire. L’hippopotame, le sanglier, l’auroch ou encore l’éléphant de forêt sont des espèces de la période interglaciaire. Cheval et cerf sont des espèces concomitantes aux deux périodes.


Illustrations des climats que connaissait l’Europe, de la période interglaciaire à gauche (~10 000 ans) à la période glaciaire à droite (~100 000 ans) en passant par la transition au milieu (~20 000 ans).


Extraits du livre La Somme des Préhistoires


Les plus anciennes des traces des Hommes dans la vallée de la Somme

C’est dans ce contexte écologique que vont arriver les Hommes. Les plus anciennes traces du genre Homo remontent à 670 000 ans. Le site de Moulin-Quignon à Abbeville contient plusieurs centaines d’objets taillés en silex, attribués à Homo heidelbergensis. Nous sommes à ce moment-là au Paléolithique inférieur (3,3MA à 300 000). Nous savons aussi que la région a connu Néandertal. Le site de Caours est un site de boucherie avec de nombreux restes de cerf, daim, chevreuil, auroch et rhinocéros de prairie, il date d’environ 120 000 ans. A cette époque du Paléolithique moyen (300 000 à 40 000), il n’y a plus que Néandertal. Enfin, au Paléolithique supérieur (40 000 à 12 000), c’est le temps d’Homo sapiens. Le site d’Amiens-Renancourt 2 daté de 33 000 ans a livré des os de chevaux, des silex taillés, des pointes de projectile, de grandes lames ou encore des sculptures de Vénus. C’est d’ailleurs par ces sculptures retrouvées des Pyrénées jusqu’en Sibérie – sans doute par la transmission des pratiques de façonnage et par les échanges entre groupes – que s’achève l’ouvrage, bien qu’un court passage sur le Mésolithique y soit présent. Point d’orgue des récentes découvertes car les fouilles ont été faites en 2019 et que plusieurs sites de la Somme continuent à être fouillés. Attention donc, l’ouvrage explore le Paléolithique mais pas le Néolithique, cette période où les humains ne sont plus chasseurs-cueilleurs et nomades, mais sédentaires et agriculteurs.


Extraits du livre La Somme des Préhistoires


La Somme, c’est aussi important que la Dordogne

Pourquoi ce catalogue et cette exposition sont importants ? Lorsque j’ai fait la visite guidée de l’exposition avec le préhistorien Pascal Depaepe, celui-ci racontait que malgré l’histoire pionnière de la Somme, l’Etat et les collectivités faisaient trop peu du fait préhistorique dans la Somme. En effet, quand on pense à la Préhistoire, on pense à Chauvet, à Lascaux, bref à la Dordogne et aux arts pariétaux qui sont magnifiques. On oublie trop la vallée de la Somme et le musée de Picardie n’y fait pas tant de place en réalité – hors exposition. Il s’agit là d’un combat culturel important : redonner à la Somme sa préhistoire et une visibilité au public. En ce sens, j’ai observé que des cours d’archéologies préhistoriques étaient enseignés à l’université Picardie Jules Verne dans le parcours histoire-archéologie en 2023-2024, ce qui ne se faisait pas quand j’y étais il y a quelques années.

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