Dieu et nous seuls pouvons est une formule associée à la famille des Pibrac vivant dans la seigneurie de Bellerocaille située dans le sud de la France, dans l’Aveyron. Les Pibrac sont une dynastie de bourreaux, ceux qui exécutent les condamnés à mort. Tout commence avec Justinien Trouvé. Un enfant abandonné et lettré qui n’avait jamais envisagé cette carrière. Mais il fut bien contraint d’accepter le poste que le seigneur de Bellerocaille lui proposa en 1683, au risque d’être condamné sans retour pour les galères… Michel Folco nous livre dans son roman historique paru en 1991 un récit très fouillé et documenté sur le métier de bourreau sur huit générations. Métier incontournable exécutant les hautes œuvres que Dieu pardonnera, mais également personnage terrifiant chassé aux marges de la ville et fui par la population. Les Pibrac n’ont pas existé, mais la qualité des recherches sur le métier de bourreau est excellente.
Ils vont s’en aller, le rassura-t-il. Les moucherons, c’est un signe que si y a un Dieu, il aime bien se marrer un peu sur notre compte.
Le Diable en personne (Peter Farris)

Dieu et nous seuls pouvons
Auteur : Michel Folco
Éditeur : Points
Genre : Roman historique
Sortie : 1991 (réédition 2006)
Nationalité : Français
Pages : 312 pages
Résumé : Pour échapper à la galère, Justinien Pibrac devient bourreau officiel du seigneur de Bellerocaille. Le jour de sa première exécution, après quelques maladresses rocambolesques, il parvient finalement à briser les os du condamné. Ainsi débute la saga trépidante des Pibrac, qui deviendront de génération en génération les plus grands bourreaux de tous les temps.
Un galérien condamné à devenir bourreau
La première partie s’intéresse à ce Justinien pour qui l’enfance et l’adolescence furent rudes, loin des ambitions dont il rêvait. Qu’il sache lire et écrire lui a sauvé la vie. Ses geôliers lui ont permis de gagner un peu de temps et beaucoup d’argent avant qu’il devienne, dans l’urgence, le bourreau de Bellerocaille. Il y apprend le métier, celui de supplicier, celui de tuer comme lui autorise la justice seigneuriale sous l’Ancien Régime. La situation ne lui déplaît pas, il reprend une certaine revanche sur la vie. Le bourreau se fait rare dans l’Aveyron, le seigneur et ses conseillers désirent le garder et font de lui un homme aisé. En contrepartie, son état le marginalise auprès de la population. Vivant en dehors de la ville, dans une baraque construite rapidement cachée par une forêt pour l’occasion : on dit aux petits-enfants que s’ils font de grosses bêtises, ils auront à faire aux Pibrac. C’est une horrible légende qui habille cette fonction, à laquelle Justinien et ses descendants sauront s’y faire et la manipuler.
— Je comprends mal votre refus [d’être bourreau]. Vous êtes pourtant notre tourmenteur auprès du tribunal.
Dieu et nous seuls pouvons (Michel Folco)
— Ne vous en déplaise, Monsieur le Prévôt, tourmenter n’est point occire ! Encarcaner, fustiger, flétrir, mutiler comme maintenant, ou ébouillanter, ou poser la question ordinaire ou extraordinaire n’est point rouer vif, loin s’en faut !
Qu’est devenue la famille Pibrac deux ans plus tard ?
La deuxième partie de l’histoire reprend sept générations plus tard, en 1901. L’Ancien Régime a disparu laissant place à une IIIe République beaucoup moins gaga des bourreaux. Léon Pibrac n’est justement pas bourreau, cette fonction en perdition ne l’a jamais intéressé et il ne souhaite pas contribuer à l’héritage familial, au grand dam de son père Hippolyte Pibrac. C’est Saturnin, un autre membre de la famille, encore enfant, qui suit attentivement les leçons qui lui sont données par Hippolyte, qui perpétuera la tradition. Cette deuxième partie sur le XXe siècle reste intéressante car elle se détache du portrait du bourreau déjà développé en première partie, pour présenter les évolutions de la fonction. Ici, c’est à qui emmerdera le plus l’autre. Léon, devenu boulanger et reniant son nom qui lui cause des ennuis, se déteste avec Hippolyte qui fait tout son possible pour transmettre son héritage, jusqu’à inviter l’ensemble des bourreaux d’Europe et protéger son territoire par la création d’un musée.
— Hum…, fit sobrement Malzac. Sous quelle forme cette « tradition » vous a-t-elle été inculquée ?
— Comme à l’école. Avec des leçons à apprendre par cœur, des devoirs à rendre, des exercices pratiques.
— Pratiques, mais encore ?
— C’est que… je ne sais plus, il y a si longtemps. Voyons… Bon, par exemple, le jour de mes sept ans, j’ai dû décapiter ma première chèvre. Je n’y suis pas arrivé, ç’a été une vraie boucherie. J’ai eu 0 sur 20.
Dieu et nous seuls pouvons (Michel Folco)
Un roman historique extrêmement bien écrit qui saura faire plaisir aux amoureux de l’histoire
J’ai adoré ce roman historique de Michel Folco réédité chez Points ! On plonge dans le temps, dans l’Ancien Régime français, au sein de la justice seigneuriale du sud de la France, accompagné par un auteur qui a beaucoup lu, compris et restitué le sujet dans son livre. Ceux qui ont fait des études d’histoire se plairont à relire un vocabulaire qu’ils ont appris. La première partie sur Justinien Pibrac est ma préférée : on y découvre autant que le personnage le métier infâmant de bourreau. Justinien ne se laisse pas dépasser par sa condition, au contraire, il sait comment en profiter pour se construire une belle vie malgré un passé trouble. Quant à la deuxième partie sur Hippolyte, elle laissa place davantage à l’humour à travers deux personnages qui se honnissent et un Saturnin qui une fois adulte se rendra à Paris et sera arrogant comme jamais. Malgré l’humour, Dieu et nous seuls pouvons reste un roman instructif et une très chouette découverte !
En bref, un roman historique extrêmement bien écrit, avec beaucoup de vocabulaire mais pourtant très accessible. Une histoire prenante en deux parties, qui permettent de comprendre les évolutions du métier de bourreau de l’époque moderne à l’époque contemporaine. Un roman historique qui saura plaire aux grands lectures, aux étudiants et professeurs en histoire. Accessible à partir du lycée.






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