Je suis allé ce week-end au musée d’Amiens Picardie pour visiter l’exposition temporaire intitulée « La Somme des Préhistoires ». En tant qu’enseignant d’histoire-géographie chargé de plusieurs classes de niveau Sixième et habitant la région des Hauts-de-France, ce genre d’expositions ne doit pas se rater ! Pascal Depaepe, archéologue préhistorien spécialiste du Paléolithique moyen et rattaché à l’INRAP nous a fait une visite guidée de cette exposition avec joie, bienveillance et humour. Voici un petit compte-rendu de la visite.

Commençons par le XIXe siècle…
Les humains se sont toujours demandés depuis quand était née l’humanité et si on avait des traces de celle-ci dans un passé lointain, plus loin encore que ce qu’on nomme aujourd’hui l’Antiquité. Le début de l’exposition commence par là : par la découverte de bifaces à la fin du XVIIIe siècle en Angleterre que l’on date plus ancien que les origines de l’Homme à l’époque. Puis des découvertes en Allemagne, à Néandertal, d’un crâne. Ou encore la découverte en 1844 par Jacques Boucher de Perthes d’outils en silex à côté d’ossements de grands mammifères disparus qui vivaient au Pléistocène. Ces découvertes font du bruit à l’époque ! L’histoire de la Bible ne serait donc pas véritable, il y aurait vraiment des humains avant le Déluge ! Bouleversements, rebondissements, refus aussi… mais quand les preuves s’accumulent, la science est victorieuse.
et comment les humains d’il y a 200 ans s’imaginaient les Hommes préhistoriques

Alors notre guide nous détaille les peintures exposées d’un grand (mais petit par rapport aux autres espèces) mammouth laineux. Comment les Hommes du XIXe siècle se sont représentés les familles préhistoriques et leur environnement ? Le choix des peintures par les exposants est intéressant. Léon-Maxime Faivre à travers les Deux mères met en scène justement deux mères, une humaine, l’autre ourse, qui défendent leurs petits à l’orée d’une grotte. Rappelons utilement que les humains n’ont jamais vécu dans les grottes, mais uniquement devant – si ce ne sont leurs peintures qui sont à l’intérieur pour on ne sait encore trop quelle raison de venir les peindre dans des lieux si difficiles d’accès. Le tableau Le Rapt de Paul Jamin illustre ici l’enlèvement d’une femme sans doute par une autre tribu. Ces tableaux nous permettent de comprendre ce que pensaient les Hommes du XIXe siècle de la Préhistoire : que c’est une période dangereuse où les humains doivent survivre à divers prédateurs (l’ours, le loup). Or, en réalité, les humains dominaient déjà totalement l’écosystème. Pour ceux du XIXe siècle, les Hommes sont aussi sauvages : ils sont nus ou enlèvent des femmes. La nudité ici représentée est un classique de l’époque, qui sert aussi aux spectateurs de se… rincer l’œil. Cette représentation s’observe aussi sur le tableau Une famille de l’âge de pierre d’Emmanuel Benner. Ce qui est intéressant également, c’est l’artiste Fernand Common qui représente sur son esquisse Les Races humaines l’émergence des différentes races tour par tour, qui s’élancent en montant vers la lumière, le progrès. On y observe dans cette deuxième moitié du XIXe siècle l’inclusion des Hommes préhistoriques. Ca y est : les humains ont une nouvelle origine.
Les proto-archéologues de la Préhistoire
Dans la salle même de l’exposition, une introduction aux proto-préhistoriens et archéologues du XIXe siècle, aux sites fouillés et à leur méthode de recherche est faite. Aujourd’hui, on ne fouille pas de la même manière qu’il y a dix ans : les outils sont plus sophistiqués et on fait attention même aux plus petits objets. Mais pour les humains d’il y a 250 ans, on creuse à la pelle et à la brouette… En réalité, les pays sont en croissance démographique et en pleine urbanisation : de gigantesques carrières sont creusées pour y récolter les matériaux dont celle de Saint-Acheul à Amiens. Un merveilleux terrain pour les préhistoriens et les archéologues. Par ailleurs, la Somme est le 2e plus grand département pour la Préhistoire française, après la Dordogne. Des bifaces sont retrouvés : l’outil qu’ont beaucoup produit et utilisé les Hommes préhistoriques qui nécessitent un exploit mental puisqu’il faut parvenir à se représenter la forme que l’on souhaite concevoir avant de la produire, puis il faut les techniques pour la réaliser. Des bifaces utilisés, les Hommes préhistoriques ont très vite pris les « déchets » de la pierre brute qui servaient à tailler le biface : les éclats plutôt que la grande partie taillée. Le biface sert surtout à écraser, découper grâce à ses formes.
170 ans que l’archéologie est née. On ne cherche plus à recueillir le plus bel objet, mais à rechercher tout objet, à connaître les conditions environnementales dans lesquelles vivaient les humains de l’époque, quels étaient les climats ou encore le mode de vie et l’organisation de ces Hommes préhistoriques. Trois grandes fresques de terrain sont présentées le long du mur où l’on peut voir plus ou moins facilement les différences stratigraphiques de 340 000 ans à 10 000 ans en fonction des ères glaciaires, interglaciaires et tempérés. Plus le temps est loin, plus il faut creuser profond.

Les pièces archéologiques et les animaux naturalisés
Tout au long d’un mur de la salle d’exposition, de nombreuses trouvailles archéologiques avec des crânes de différentes espèces humaines, des mandibules de rhinocéros de prairie, une métacarpe de loup, un radius d’aurochs ou encore son tibia ou son humérus, une mandibule de mammouth laineux. Ou des outils utilisés par les humains comme une grande lame, un nucléus… Au centre de la salle, un cortège du Mésolithique : l’objectif était de présenter la faune (il manque la flore) de cette période préhistorique qui fait la transition entre le Paléolithique supérieur et le Néolithique. Des animaux naturalisés (ou empaillés) et d’autres en silhouette permettent de se représenter les animaux qui vivant à l’époque ainsi que leur taille (parfois démesurée !).

Enfin, la petite salle d’exposition présente un chef d’œuvre de la Préhistoire : les Vénus préhistoriques. Ce sont de petites silhouettes représentant un corps féminin retrouvées de la Sibérie jusqu’en France dont une à Amiens Renancourt. Élément intrigant et intéressant : comment une forme sculpturale a pu se répandre sur une aire spatiale aussi grande ? Agréable et instructive discussion avec notre expert préhistorien. Celui-ci décrit d’abord le silhouettes, sauf à quelques exceptions près, elles représentent la femme de la poitrine jusqu’aux mi-cuisses. Elles ont rarement des bras complets, très rarement des mains avec des doigts. Elles sont toujours de taille minuscule. Très probablement que la technique de diffusion s’est répandue par la transmission lorsque des membres de clan se dispersaient dans d’autres territoires ou quand il y avait des échanges d’individus. Selon le préhistorien, ces silhouettes représenteraient peut-être des femmes enceintes et seraient un outil de croyance avec l’espoir que l’accouchement se déroule bien. En effet, rappelle-t-il, notre espèce humaine a des accouchements très difficiles pour les femmes, où notre crâne est si gros qu’il peine à sortir (alors même qu’il y a un retournement du fœtus durant l’accouchement !) et que certains accouchements ont de graves conséquences sur la santé de la mère débouchant potentiellement sur sa mort.
Quelques livres à la sortie
Petit plaisir de la boutique où de quelques livres étaient vendus.

















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